American Horror Story : Asylum (et vlan, dans les dents)

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Je suis d’une logique sans failles. Je vous jure que si. Quitte à commencer un des programmes les plus ambitieux et les plus prodigieux de la télé du 21eme siècle, je le commence par la deuxième saison…

Ben détrompez vous. Enfin quelqu’un qui réinvente le concept de saisons autonomes. En clair : pas besoin de voir la première (murder house) pour attrapper la deuxième (asylum, donc). Elles sont indépendantes. Et si le casting reste le même pour la plupart, les rôles ne sont pas les mêmes, et là est le concept vraiment trippant et original.

Bieeeen. Maintenant que le petit soucis de linéarité est réglé, rentrons dans le vif du sujet. American Horror Story. Je vous fais un dessin en couleurs ou vous avez saisi le concept ? Bingo : c’est de l’horreur. Mais de l’horreur de haute, très très haute volée.

Zachary Quinto, Jessica Lange & Joseph Fiennes (si ça c'est pas du casting cinq étoiles, je ne sais pas ce que c'est)

Zachary Quinto, Jessica Lange & Joseph Fiennes (si ça c’est pas du casting cinq étoiles, je ne sais pas ce que c’est)

Admirez le casting : Jessica Lange (absolument géniale en Sister Jude, la religieuse qui tient l’asile), James Cromwell (complètement trippant dans le rôle du Dr Arden, ancien nazi reconverti en docteur frankenstein à la recherche de pureté au milieu d’un dépotoir de restes humains), Sarah Paulson (épatante Lana, journaliste lesbienne enfermée malgré elle chez les dingues), Lily Rabe (Sister Mary Eunice, extraordinaire joueuse de dualité entre paradis et enfer), Joseph Fiennes (troublant Monseigneur Timothy Howard) et Zachary Quinto (dommage qu’on ne donne pas un oscar aux acteurs de séries télés, parce que merde, son interprétation du Dr Oliver Thredson est juste géniale). Rien que ça.

Joseph Fiennes, Jessica Lange & James Cromwell

Monseigneur Timothy Howard, Soeur Jude & Dr Arden

Bon, par contre, la moitié du corps créatif de la série, c’est Ryan Murphy. Ouais, ouais, le mec responsable de la singerie télévisuelle nommée Glee, et qui s’en prends à certains des groupes que j’aime le plus parce qu’il refusent de laisser leur chanson à ce sauvage qui va massacrer les classiques et s’attendre à ce qu’on crie au génie. Non non, Glee est une horreur, une souffrance de bout en bout, et une hérésie musicale. Donc, Axy et Ryan, pas copains. Oui, ben je vais devoir lui céder celle-là : American Horror Story est un des meilleurs trucs que j’ai vu à la télé ces dix dernières années. Et vu que je suis jusqu’aux coudes dans Murder House, je me permet de généraliser le terme à toute la série.

Donc, le pitch. Briarcliff, institution spécialisée en psychiatrie et en détention de criminels désaxés, 1964. Lana Winters, journaliste en reportage sur la boulangerie de l’institution, va se retrouver malgré elle retenue contre sa volonté, et va découvrir petit à petit que la si prestigieuse institution cache un véritable enfer dans ses entrailles. Soeur Jude est un monstre d’inhumanité, le Dr Arden a pour passion l’anatomie reconstituée, et les patients sont tous armés de secrets plus terrifiants les uns que les autres. Et quand Kit Walker, accusé d’avoir tué, décapité et écorché plusieurs femmes sous le masque affreux de “bloody face” est amené, et avec lui, dans son sillage, le docteur en psychiatrie Oliver Thredson afin de déterminer sa culpabilité consciente ou non, les choses commencent à partir en sucette plutôt violemment.

Kit Walker, Lana Winters & Dr Oliver Thredson

Kit Walker, Lana Winters & Dr Oliver Thredson

Sur le côté technique, la série compte treize épisodes en format 40 minutes (mais qui peut varier et aller jusqu’à presque 50 minutes) et renvoie des flashs dans le présent, mais se passe pour sa vaste majorité en 1964. Pour les adeptes du DVD, le coffret sort le 23 Octobre en France. La troisième saison, intitulée Coven, commencera en Octobre aux Etats Unis. En France, Ciné + Frissons se charge de la diffusion depuis mai 2012, et série club depuis Avril 2013 mais je doute sincèrement qu’une chaîne plus généraliste se charge de le proposer à un public plus important.

Une chose est évidente, c’est que j’étais presque public gagné d’avance. Elevée aux films d’horreurs (entre autre), je reconnais les références, et elles sont nombreuses, tant dans la bande originale (réutilisation de thèmes comme celui de Carrie ou de Candyman), dans les images (l’exorciste pour ne citer que celui-ci) et dans l’inconscient collectif dont la série se sert allègrement (reprises dans le thème de la série de choses entendues dans les classiques). Dès le premier épisode, qui place tous les personnages principaux (sauf celui, essentiel, d’Oliver), on nous fournit un niveau de connaissance de chaque personnage qui rend tout de suite la navigation entre les séquences fluide et aisé, et ce, malgré une foison de personnages secondaires et tertiaires. Le montage et la réalisation sont minutieux, extrêmement précis et innovants, et la direction d’acteur est hors normes (mais la base même des acteurs en fait un des castings les plus excitants pour une série télé). C’est une des rares fois où chaque idée, chaque hypothèse lancée aura son pendant d’explications à un moment donné, tout en laissant une part de mystère. L’écriture est audacieuse, pointilleuse et forte. L’horreur est omni-présente, conférant parfois au presque insoutenable, mais à aucun moment elle ne vient parasiter la narration avec une sensation de surenchère, ce qui, une fois encore, est rarissime dans le genre. La terreur psychologique est omni-présente et maîtrisée pour ne pas devenir trop puissante, et donc, décourager le spectateur. Tout est à un niveau infiniment précis et dosé.

Les thèmes abordés sont classiques (les expériences dans les asiles de l’époque, les traitements inhumains de certaines pathologies et non-pathologies, la ridigité de la religion, le duel ange/démon, la maternité, l’homosexualité) et extrêmement novateurs et offensifs (la responsabilité de l’église dans les déviances psychiatriques, le rôle fondamental de l’absence de repères familiaux chez les psychopathes, la curiosité journalistique à double tranchants et la recherche absolue et égocentrique de scoop, les déviances exorcistes, le racisme, la polygamie, les thérapies ex-gay, la rédemption, la crucifixion, les déviances liées à la perte des valeurs christianiques de noël, l’opération presse papier, le prix de l’évolution de la science, les extra terrestres) et l’abord des relations humaines est fait de manière saisissante et réaliste, refusant le déni des besoins humains en terme de contact des religieux. La musique est puissante, et la réutilisation de thèmes connus et déplacés est maline et joue, une fois encore, sur l’inconscient commun. Toute la série est de haute volée. On ne s’ennuie pas un épisode, pas une seule minute, pas une seule seconde, et on est pris aux tripes dès le début.

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Mention très très spéciale à Zachary Quinto, qui, dans une foule de très bons acteurs, tire son épingle du jeu en jouant le meilleur personnage que la série télé américaine ait produit depuis longtemps, et en proposant une dualité et une facilité à jouer deux visages opposés qui tient à la presque folie. (SPOILER) Son identité réelle et les diverses torsions du personnages sont jouées avec une sorte de virtuosité reptilienne froide, et sa capacité à toucher le spectateur dans l’horreur sont absolument terrifiantes et moralement insoutenables, et pourtant faites avec une sorte de génie absolu rarement vu dans la télé d’aujourd’hui. Et la glamourisation du personnage, le rendant immensément beau même dans la terreur, sont gérées avec brio par l’acteur. Si il n’a pas cet Emmy pour lequel il est nominé, je vais crier au scandale très fort. Très, très fort. Plus fort que cela encore.

Le verdict ? Passer à côté de American Horror Story : Asylum est criminel, et le faire est passible d’un séjour à vie à Briarcliff. Plus sérieusement, si vous êtes en quête de très, très bonne série…Courrez-y.