I Feel It In My Bones

C’est une nuit tout à fait curieuse. Pour beaucoup de raisons. Peut être même trop. Tout est un peu brouillard, un peu incertain, un peu bizarre. Si on considère où j’étais il y a une semaine, il n’est pas spécialement compliqué de comprendre pourquoi je me sens toute chiffon…

Une pauvre review, aussi longue fut-elle, n’explique malheureusement pas ce qui s’est passé, ni à quelle force c’est arrivé. Ce que ces deux heures furent, je vais le porter en trésor toute ma vie, qu’importe que je le vive à nouveau une ou mille fois. Ca dépassait l’entendement. Ca deglinguait toutes mes certitudes. Ca foutait en l’air tous mes idéaux. D’un coup, d’un seul, il n’existe pas de plus bel endroit sur terre, sans le moindre doute, sans la moindre hésitation. Sans le moindre rideau de questions ou de oui, mais…Rien de tout ça. J’étais là, ils étaient là aussi, et entre nous, le lien était plus fort que ce que je n’aurais pas cru avoir un jour la chance de vivre. Je pourrais en user, des mots, je pourrais en chercher, des sens, des qualificatifs, des images, mais rien, jamais, ne pourra rendre justice à ce que ce moment à été. Je ne peux pas être dans un état de dépression post-miracle, simplement parce que mon cerveau n’y a encore rien compris. Il est resté figé sur des émotions, mais il n’a pas saisit leur signification une seule seconde. Je ne sais pas si je vais comprendre. Je ne sais pas si je le veux.

Dès le début, dès les premiers instants, j’ai été intégralement coupée du monde. Et mon cerveau à toujours carracolé à toute vitesse, incapable de s’arrêter une seconde, je ne sais pas ne pas penser à cent mille choses, et me laisser bouffer par elles. Je n’ai jamais réussi à le faire. Et là, d’un coup, les premières secondes de Mr Brightside ont débranché la prise. Plus de soucis, plus de doutes, plus de démons, plus de douleurs, plus de peine, plus de questions. Plus rien de tout ça. On a quasiment crée un lien qui tenait de l’extension d’âme, de la greffe pure d’émotion. Je ne sais pas pourquoi eux, et pourquoi pas les autres. Je n’en suis pas à mes débuts en concert, ni si loin, ni si grand. Je ne sais pas pourquoi eux ils ont réussi du premier coup un tel résultat, sans même tâtonner, en tapant dans le mille dès le premier essai. Ce serait odieux de ma part de dire que c’est le premier groupe que j’aime tant, ce serait faux. Mais c’est ceux que j’aime, même un peu, même mal, même pas totalement, depuis le plus longtemps. Alors peut être que de les avoir eu autant de temps là, à mes côtés, fait que quand ce qui aurait du arriver depuis si longtemps a eu un tel effet.

Je ne suis pas en déprime. Je ne bade pas. Par contre, je suis épuisée. Mais comme rarement je l’ai été, comme je ne le suis que lorsque j’ai fait une crise, par exemple. Ce genre de fatigue qui tient plus du vide intérieur, et qui demande plusieurs jours, parfois plus, pour revenir à la normale. Je passe mon temps à dormir. Et quand je me réveille, je ne comprend toujours pas. Je sais seulement que je veux plus que tout, plus que n’importe quoi, avoir cette chance encore, parce que ces deux heures-là furent plus belles que tout ce que j’ai vécu de plus beau en presque 28 ans. C’est absurde de beauté. Surréaliste de perfection. Presque injuste pour les autres, qui, définitivement, m’ont perdue pour toujours, ou pour au moins, autant que mon toujours est sensé durer.

Durant ces trajets qui n’ont pas toujours mené là où je le voulais, j’ai eu l’occasion de réfléchir énormément. Plus que d’habitude. On en retire le poids social, sur la route, on se laisse aller aux possibles, à la chance de l’innatendu. Peu importe la forme que celui-ci prend, et j’ai expérimenté une vaste palette d’innatendus ces deux dernières semaines…Mais au moins, en transit, vers quelque part, on va forcément vers une promesse, ou un espoir. Peut être que c’est ce qui fait mon obsession de la bougeotte, du voyage, peut être aussi que c’est cette absence qui m’a presque tuée l’année dernière. Quoiqu’il en soit, tout semble en suspend quand on est dans un bus, un train, une voiture, un avion, un bateau, un métro, un tramway, ou quoique ce soit qui est dans la capacité de relier deux points. Tout semble amoindri, comme si les horreurs ne pouvaient plus si bien nous toucher quand on bouge. C’est une chimère, n’en doutons pas. Mais cette illusion, après tant de batailles contre moi-même, demeure une des plus insaisissable et des plus précieuses. Est-ce ce qui m’a forcée à avancer alors que stagner, s’arrêter, voir même reculer aurait été plus facile ? Je n’en sais rien. Mais j’ai retrouvé cette semaine des éléments de mes propres fondements que j’avais presque oublié.

J’ai du les amoindrir en prenant les choses pour acquis, et en les pensant gagnées d’avance. Que ce fut dans le cas de White Lies ou de Muse, j’ai connu la répétition, l’orgie de dates de suite. Je n’ai pas eu le temps de les désirer, de les céder a d’autres, de les voir disparaître sans que je ne puisse rien faire pour les retenir. D’avoir tant voulu celui-ci, et d’avoir fait presque quatre fausses couches de rêve dans la foulée ne pouvait que donner une force encore plus impressionnante au vrai quand il est arrivé. Ca a contribué à ma claque. Conserver la connaissance de la mortalité des choses, peu importe ce qu’elles sont. En garder la notion à flot. J’en ai tant profité parce que j’ai tout à coup saisi ce concept de manière très nette, très blessante. Je suis allée jusqu’à eux, et ils m’ont loupée une fois encore.

Quand je suis arrivée Dimanche à Amsterdam, que je savais par un miracle de bazar que cette fois, rien ne nous séparerait plus, je me sentie investie d’une force impossible à expliquer ou à comprendre. Ce n’était pas tant de pouvoir tomber sur un d’eux au détour d’une rue inconnue, non, c’était presque la douce folie de respirer le même air qu’eux, de me savoir a proximité sans espérer une rencontre. Juste de le savoir. Je ne réclamais rien de plus que cette sensation un peu curieuse, de me dire que ce que je dévorais des yeux, ils l’avaient probablement, sûrement vu avant moi, et que peut être même qu’ils le verrait après. Peut être juste après. Peut être qu’ils étaient juste à côté, quelque part tout près, mais je m’en fichais. Je ne voulais pas d’une proximité immédiate. J’en voulais une approximative, une de quelques kilomètres, au stade où j’en étais, cela me suffisait. J’en étais arrivée à ce point de les vouloir. J’avais atteint le summum de l’attente, le point de cumul maximal de ce que je pouvais supporter encore sans eux. Ce n’était pas un luxe, ce concert, c’était une nécéssité. J’étais sous assistance respiratoire, dans un coma inquiétant et depassé depuis plus d’un an, il me fallait ce coup de main, il me fallait cette renaissance. Elle ne m’a pas déçue. Ils ne m’ont pas déçue.

Au final, même si pour le moment je suis un peu hors service – et que Dave avait raison, je vais être malade – ce que j’ai trouvé là-bas est déjà en train de me pousser. Peut être pas à devenir meilleure, mais certainement à forcer encore le trait de mon propre portrait au crayon, d’accentuer certains aspects qui me semblent essentiels. Ma vie ne va peut être pas être plus facile avec eux, mais j’ai au moins la certitude qu’elle sera plus vraie. Les chemins et les choix que je fais, ceux qui ressemblent à des bêtises aux yeux du commun, me paraissent curieusement comme étant les seuls possibles, dans mon état, avec ma consistance, avec ma personnalité. Jamais je ne pourrais les remercier assez pour avoir débloqué le noeud au creux de moi et donné accès à des réponses aussi essentielles, jamais je ne pourrais leur expliquer non plus. Mais peut être que cette belle relation n’est pas faite pour être expliquée. Peut être qu’elle est juste faite pour vivre, peut être qu’elle est juste mon aire de repos sur le chemin, pas suffisament régulière pour devenir monotone, mais juste là quand il faut et comme il faut. Peut être que ce groupe me donne enfin l’occasion d’être parfaitement moi, sans en rajouter, dans toutes mes contradictions et dans toutes mes erreurs. Peut être que trouver pareil réconfort dans quatre minutes m’envoie dans la direction. Pas la bonne. Pas la mauvaise. Juste celle qui se présente justement.

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