LE POIDS DE LA HONTE

J’ai mal à ma France.

Je m’étais jurée de ne pas blogger “militant” ici. Je le fais assez ailleurs, et je déteste savoir cet espace envahi de combats que je n’ai pas toujours la force de porter 24/7. J’apprécie ma bulle, ignorer ce que je vois, être lâche, innocente, aveugle et bienheureuse pour un temps.

Mais ce temps est malheureusement révolu, parce que je suis au bord de la révolte. Je suis écoeurée, dégoutée, j’ai la nausée, et pire encore, je ne comprends pas ce que ce gouvernement de lopettes pour lequel j’ai voté et en lequel je croyais ne prend pas de décisions fermes et de positions courageuses pour faire que la haine CESSE.

Aujourd’hui, partout, les opposants au mariage pour tous, les très courageux cathos, FN, manif pour tous, GUD, j’en passe et des meilleures, dont en train de faire leur loi. Les députés ouvertement pour sont molestés, tabassés, agressés, insultés. Leur véhicules sont brûlés, leur pneus sont crevés. Les associations sont visitées, les locaux sont vandalisés, des vidéos de toutes ces agressions sont fièrement postées sur internet. La violence n’en est qu’à son début, et surtout, elle n’est médiatisée qu’aujourd’hui, mais elle existe depuis toujours.

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J’en ai marre. Je suis lasse. J’ai tellement envie que tout cela s’arrête que je suis presque, presque au bord du renoncement. Lâchez moi, moi et ma sexualité, moi et mon droit d’aimer les femmes tout comme celui d’aimer les hommes, moi et celui de fonder un jour une famille. Laissez moi tranquille, cessez de me juger, parce que je n’en peux plus d’être jugée pour mon droit à AIMER.

Nous sommes la risée du monde. Partout, les droits et l’égalité gagnent du terrain, et surtout, NULLE PART, les évènements et les manifestations de haine ne sont en une de la presse, simplement parce qu’ils n’ont pas droit de cité. Parce que ces pays ont des couilles et défendent leur citoyens. Parce qu’on a compris qu’une société, ça évolue, et surtout, qu’un droit à épouser son ou sa partenaire est essentiel pour défendre l’égalité.

Il paraît que les antis ne sont pas homophobes. Ne me faites pas rire. Quand on défile dans la rue par milliers pour enlever un droit à des êtres humains, on est animé par la haine. Quand on met ses enfants en premier rang pour éviter d’être gazé, on est animé par la connerie. Quand on pretexte que Dieu, qui, je le rappelle, n’est qu’une croyance sans fondements, va se venger et ouvrir les enfers sur nous, on est animé par l’aveuglement le plus fondamental proné par l’Eglise depuis toujours.

Nos familles, celles des deux papas, des deux mamans, des trois parents, quatre même sont des familles qui vont donner jour a des enfants heureux, équilibrés, qui savent parfaitement ce qu’il faut pour faire des bébés, mais qui n’iront pas juger untel sur qui il décide d’aimer. Ces enfants sont baignés dans la tolérance, ils voient les combats de leur parents, les preuves manifestes de cette homophobie ambiante dégueulasse, et ils réagissent comment ? Ils se renforcent. Ils se rendent compte avant les autres que les cons regressistes, il y en a partout. Et ils passent leur chemin. Et ils sont heureux avec leur deux mamans, leur deux papas, leurs beaux parents du même sexe. Parce que pour être pédé ou gouine aujourd’hui et vouloir fonder une famille, il en faut, un courage, et il en faut, une patience. Pas d’enfants accidents, pas de trous de capotes, pas d’erreurs de contraception. Ces enfants sont voulus, ces enfants sont aimés quand ils ne sont encore que des projets, des envies folles, des rêves de chaque instant, de chaque seconde de chaque minute de chaque heure de chaque jour.

J’en ai plein le cul. J’en ai marre. Ils me gonflent, ces enfoirés d’antis, et leur homophobie bedonnante et couronnée d’une immunité quasi totale, vous êtes des connards, vous êtes des égoïstes, vous êtes des dangers pour la liberté, pour l’égalité, pour la fraternité, et pour le pays en général. Vous êtes la risée du monde.

Rendez-vous compte. Si je venais à embrasser un garçon sur la bouche dans la rue, je passerais incognito. Si je venais à embrasser une fille sur la bouche dans la rue, je serais susceptible de tomber sur un de ces antis galvanisés à la haine, et je pourrais perdre la vie parce que j’aime. Depuis quand l’amour est-il une honte ?

Je suis fière de ma sexualité. J’aime tout le monde, sans disctinction de sexe, de couleur, de religion, de croyances. La seule chose que je refuse, c’est la haine guidée par la bétise.

Dire qu’il y a un an j’ai écrit ça. Me dire que j’étais déjà dans le vrai me glace le sang. N’hésitez pas à partager cette foutue lettre, et par pitié, rendez-là anonyme. Je ne cherche pas la reconnaissance de mon travail, je cherche juste à faire passer le message.

Cher ami homophobe, 
 
 
 
Oh oui, tu as bien lu. Ami. Je ne suis pas comme toi. Je ne te déteste pas. Toi tu vomis ta haine envers moi et ma communauté, mais moi, je ne sais pas détester les gens, même comme toi. Tu sais, si j’aime les filles, et si je roulerai une pelle à ma chérie devant tes yeux révulsés, ce n’est pas pour le plaisir de te provoquer. C’est juste parce que je l’aime, et comme je trouve que l’amour, c’est quand même un truc drôlement chouette, eh ben, comme ça, hop, je lui prouve que je l’aime. Tu sais, l’amour, tu devrais essayer, ça change la vie. 
 
Tu parles de nous taper dessus, de nous cracher dessus, tu nous dis malades, tu nous vois comme une honte de société, mais dis, est-ce que tu nous connais ? Est-ce que tu sais qui on est, est-ce que tu vis nos vies, est-ce que tu t’es dis que t’allais peut être tenter de nous connaître avant de nous juger ? 
Non. Bien sûr que non. Parce que si c’était le cas, si tu savais qui on est, tu nous aimerais. 
 
Tu te rendrais compte qu’on est comme toi. On a des boulots, des apparts, des amis, des problèmes, des familles, des chiens, des chats, et des fiancés et fiancées qu’on n’a même pas le droit d’épouser. Ouais, là pour le coup, toi, t’as le droit de te marier à qui tu veux et de divorcer et de recommencer. Ben tu vois, nous, on peut pas. Nous, on est obligés de battre le pavé tous les ans pour dire qu’on le veut, ce droit. 
 
Viens avec moi, ami homophobe. T’es pas obligé de me tenir la main si je te dégoûte tant, t’inquiètes. Au pire, j’ai des lingettes alcoolisées si tu me frôles, tu pourras te désinfecter. Sait-on jamais, j’suis peut être contagieuse. Viens avec moi. Viens faire le tour de ma communauté. Je vais te présenter les gens qui tiennent nos associations, parce que, tu sais, c’est pas en claquant des doigts qu’on va y arriver. Nous, on se bat tous les jours, on n’arrête jamais, on écoute les victimes de ta bêtise, on les console, on leur dit qu’on ne lâchera jamais rien, on panse leur blessures physiques et morales. Est-ce que tu réalises seulement le sang dont tes mains sont tâchées ? 
 
Est-ce que tu sais quels abrutis tes propos vont galvaniser, et croire que taper sur d’la pédale, c’est bien ? Est-ce que tu les as vus, les bleus, les coups, les membres cassés parce qu’un mec et son chéri ont croisé la route d’individus qui n’ont rien de mieux a faire de leur vie ? Viens, on va aller visiter les urgences qui voient passer ces victimes tous les ans, et tu sais quoi, tu vas être frappé par leur fierté et leur force, parce que même si ils et elles ont la peur au ventre sans arrêt, ils et elles continuent de battre le pavé, de parler, de pointer du doigt les coupables. 
 
Tiens, puisqu’on s’arrête aux urgences, je vais aller te montrer les centaines de gosses qui tentent de se foutre la tronche en l’air toutes les semaines parce qu’ils subissent l’homophobie de plein fouet. Je vais te les montrer, les poignets tailladés, les boîtes de médocs avalées, les défenestrations, et les cicatrices qu’ils vont garder à vie parce que leur vie sexuelle est pointée du doigt. Je vais pas aller te montrer ceux qui sautent des ponts, ou sur les rails, parce qu’ils ne sont plus là pour en parler. Allez, on va passer par le cimetière, si tu ne sais pas quoi faire, viens fleurir avec moi les tombes de tous ceux-là. Ça ne les ramènera pas, mais qui sait, peut être que le silence d’une tombe d’une gamine de seize pige qui se flingue parce qu’elle aimait les filles, ça va te faire réfléchir deux secondes. 
 
Tiens, puisqu’on y est, on va aller faire un tour en ville. Tu les as vus, ces deux mecs qui se tiennent la main ? Je ne sais pas pourquoi, mais je les trouve tellement beaux. T’as vu, les hétéros qui se prouvent qui s’aiment en public, c’est quand même rare. Tu sais pourquoi nous on le fait ? Parce qu’on aime. Et parce que nous, on a pas le droit de porter des alliances. Parce que nous, on a pas le droit de célébrer dignement notre amour. Parce que nous, on doit se contenter d’un pseudo équivalent, et, t’avoueras, là où on s’est bien foutus de nos gueules, c’est que même vous, les hétéros, vous avez le droit de vous pacser. Mais pas nous, de se marier. Logique ! Tu sais, dans le fond, c’est pas très grave. Nous aussi on peut faire des super cérémonies avec les soeurs de la perpétuelle indulgence (a l’occasion, je te les présenterai, je suis sûre qu’une ribambelle de mecs avec du rouge à lèvres, ça va te plaire)  avec des promesses, des alliances, et des gens qui pleurent toutes les larmes de leur corps parce que rien n’est plus beau qu’un vrai baiser entre deux mecs ou deux nanas qui viennent de s’unir. Et puis, tu sais, même si la société ne les veut pas “vraiment” mariés, eh ben crois-moi, dans les coeurs de tous ceux qui y étaient, ils sont pourtant la définition même de la beauté du mariage. 
 
Oh regarde. Regarde. Deux nanas avec une poussette. Viens, on va leur demander qui est le propriétaire de ce bébé volé. Tu entends ça ? C’est le leur. C’est leur bébé. A elles. Elles sont deux nanas et elles ont un bébé. Tiens, regarde, elles te le présentent. Il est beau, cet enfant, pas vrai ? Il a les yeux de sa mère et le menton de sa mère. Tu sais, ce que ça va donner, plus tard, cet enfant ? Un adulte. Avec une pincée de tolérance de plus que toi. 
 
Tiens, regarde, la nuit tombe. Tu vas bien m’accompagner a une de nos soirées. On n’va pas s’arrêter en si bon chemin. Tu les vois, tous ces gens qui s’apprécient sans se connaître ? Tu sais pourquoi ? Parce qu’on en bave tellement, a longueur de journée, a bouffer tes propos, a se battre pour être acceptés, a supporter les remarques à la con, que quand on se retrouve tous ensembles, on est liés, d’office. Vous, quand vous vous beurrez la tronche, vous vous battez, vous vous disputez. Nous, même avec une légère ivresse, on continue de s’aimer. On ne fait que ça. On s’aime, on aime, et on voit dans chaque nouvelle connaissance une richesse folle, et une raison de plus de se battre pour tout ce que je t’ai montré. 
 
Attends, j’ai pas fini. Viens, on va aller voir tous ces gens qui, volontairement, bénévolement, avec tout leur espace coeur et temps libre, tiennent a bout de bras les associations. Je vais te les montrer, les cinglés qui écrivent des articles a trois heures du matin, ceux qui planifient les actions futures, ceux qui passent leur vie au téléphone a soulager ce que vos victimes n’arrivent pas à soulager. Chaque personne que tu vas pointer du doigt, chaque corps souillé de tes crachats qui va chercher de l’aide, a toute heure du jour et de la nuit, elle va nous trouver. On se bat pour que cette personne sache qui appeller, et surtout, pour que cette personne sache que son combat est notre combat. 
 
Tu sais, nous, les pédés, les gouines, les lesbos, les broute-gazons, les pédales, les trans, les travlos, les à voile et à vapeur, quand un de nous tombe sous vos coups, c’est toute la communauté qui pleure. Sans exceptions. Quand tu tires a boulets rouges sur l’un de nous, c’est nous tous qui tombons. Et c’est nous tous qui nous relevons plus forts a chaque fois, parce que chaque nom de plus sur le mausolée de votre bêtise est un nom de plus pour lequel on va gagner, pour lequel on va tous vous braver, pour lequel on va l’obtenir, notre foutue égalité. 
 
Parce que demain, quand ton fils viendra te présenter son mec, tu penseras a son bonheur. 
 
Parce que demain, quand ta fille se mariera avec une autre nana, tu pleureras parce qu’elles sont magnifiques et parce que tu en es tellement fier que tu veux le dire à la terre entière. 
 
Parce que demain, tu viendras grossir les rangs de nos marches de la fierté, parce qu’on incarne l’amour. Rien que l’amour. 
 
Parce que demain, quand on sera tous et toutes dans les rues a hurler notre joie parce qu’on aura le droit de se marier, parce qu’on aura le droit d’avoir des enfants, tu seras avec nous a sabrer le champagne. 
 
Et parce que même si t’as rien pigé aujourd’hui, je ne te déteste pas. Tu me fais pitié. Tu loupes ce que la vie a de plus beau a offrir. La joie, la beauté, le plaisir, le bonheur, le partage, le courage, la fierté. Et l’amour, bordel. Et l’amour. 
 
 
Sincèrement, 
Axy 
(militante qui aime les filles, les garçons, les garçons qui aiment les garçons, et les filles qui aiment les filles et puis aussi les filles qui aiment les garçons et les garçons qui aiment les filles.)
 
P.S au fait, tu diras a tes copains et tes copines homophobes que même si vous criez fort, on chantera toujours plus fort que vous. Toujours.