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Il existe, par moments, des expériences sonores, visuelles, sensorielles dont on ne sort pas complètement indemne. On peut appeler cela un manque de chance. Dans mon cas, plus je sors entamée, plus je me considère, justement, chanceuse. J’aime être poussée dans mes retranchements à l’extrême, malmenée, sortir boulversée. Je considère souvent que ce sont avec les larmes que vient ma plus pure et plus intense forme d’expression d’émotion.

Parce que j’ai, décidément, plus de chance qu’il n’y paraît au demeurant, j’en suis à ma troisième expérience de violente et salvatrice intensité en quelques semaines. Et elles ont toutes les trois un curieux dénominateur commun.

L’avantage, dans ces temps modernes et fort équipés que nous vivons aujourd’hui, quand soupçonne un coup de coeur pour quelque chose, dans quelque domaine que ce soit, c’est qu’il est souvent assez rapide et aisé de mettre la main sur tout l’univers de la “chose” en question. Hadopi me pardonnera ma mentalité, mais je trouve que cette sorte de porte ouverte et totalement libre donne accès à des merveilles dont je n’aurais pu, ou su, découvrir les trésors. Le piratage a peut être demonté l’industrie de la musique, mais il a aussi permis de rendre la culture soudainement à portée.

Quand j’ai compris qu’avec Benedict il était en train de se passer un tout petit peu plus qu’une simple histoire Sherlockienne,  mon reflexe premier a été de m’aventurer, à grands coups du grand méchant torrent,  dans sa filmographie déjà tout à fait impressionnante, et pourtant en constante augmentation, approfondissement, et lumière. Comme une petite fourmis, j’ai cherché, acquis, rangé, et archivé pour visionnage prochain. J’aurais rushé les choses il y a encore quelques mois, mais aujourd’hui, et parce que j’ai compris plus que je n’ai soupçonné la relation qui se noue entre lui et moi, je prends les choses étapes par étapes, en me laissant le temps de laisser les performances du bel anglais faire pleinement effet sur moi.

Sherlock n’a pas eu besoin de longtemps pour totalement retourner mon univers, et me faire devenir une Sherlockian chevronnée. J’en connais les épisodes sur le bout des doigts, c’est devenu ma zone de comfort. Quand ça ne va pas, c’est ce que je vais chercher, parce qu’il y a quelque chose de rassurant dans cet univers qui me plait tant et qui est inondé de gens tous tellement talentueux. C’est la maison. L’évocation de la suite cette année me rend folle de bonheur, au point même que je ne souhaite pas y penser trop souvent au risque de péter un plomb tellement j’en ai envie. Penser à la seule diffusion du premier épisode semble être l’Everest.

Parade’s End fut un cri du coeur. Jamais je n’avais vu quelqu’un interpréter avec une telle force le déchirement et le malheur. C’est vraiment ce qui m’a poussée à comprendre que, peut être, seulement peut être, Benedict Cumberbatch ne faisait pas partie de la classe des standards, mais de celle tellement plus rare et plus précieuse des majestueux. En le voyant donner vie à ce personnage magnifique, et le faire avec tant de force, de classe, et manquer de briser mon misérable coeur tant de fois, j’ai compris que cette route que je prenais allait forcément m’emmener bien plus loin que je n’aurais conscience d’aller.

J’ai trainé pendant une semaine, frôlant mon fichier source plusieurs fois, avançant, puis reculant, sans trop savoir par quoi commencer ni quand le faire, tout à fait au courant que ce pas de plus, qu’importait sa direction, que j’allais faire, serait un pas décisif, et qu’il n’y aurait pas de moyen de revenir en arrière.

Ne me posez plus la question. Bien sûr que je suis amoureuse de ce mec, de toutes les façons possibles et imaginables, de tout ce que je suis en mesure de savoir, de comprendre, de réaliser, et surtout, de toute ce que je suis en mesure de voir. Il émane de lui quelque chose que je ne suis pas assez habituée à voir, quelque chose de franc et de sincèrement juste, quelque chose qui me conforte dans mes idées en tant qu’être humain, et en tant qu’amoureuse folle du cinéma dans toutes ses formes, petit ou grand, modeste ou prétentieux. Il incarne à lui seul une sorte de philosophie générale qui tire vers le haut, une force tranquille emprunte d’un travail surréaliste. Je ne vois pas comment, en connaissant parfaitement son existence, et en l’ayant admise depuis longtemps comme étant si spéciale à mes yeux, j’ai pu réussir à prétendre le contraire si longtemps. Bien sûr qu’il est fantastique. Bien sûr qu’il est exceptionnel. Bien sûr que je suis aux anges, et absolument enchantée. Au sens littéral. Envoûtée. Sous le charme. Sous un charme.

Il y avait dans mon fichier source, celui où sont rangés paisiblement nombre de ses rôles, un film que je mourrais autant d’envie de voir autant qu’il me terrifiait, parce que, par erreur, j’avais lu sur wikipedia les trois premières lignes de résumé. Et jouer le rôle de “James, 29 ans, qui souffre d’un cancer terminal” ne peut pas vraiment annoncer une session de fous rires, pas vrai ?

Et quand on se rend compte qu’on aime des gens dont le talent est un chouilla supérieur à la moyenne, ce type de rôle constitue à la fois une sorte de semi-obligation, et en même temps, une terreur. Pour moi au moins. Et ne me forcez pas à préciser pourquoi.

Je tournais autours depuis quelques jours, frôlant le clic final des dizaines de fois. J’avais décidé que mon exploration globale continuerait comme ça. Il fallait bien que j’en passe par là de toutes façons, alors autant foncer dans le tas de manière nette, claire, franche et précise.

Grand bien m’en a pris. third-starThird Star. Je vais forcément, à un moment donné, manquer de mots. Et je m’en excuse.

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L’histoire reste simple sur le fond. Plutôt que de rester à se lamenter et à attendre l’inéxorable, James-Benedict, donc- et trois de ses plus proches amis décident de partir rejoindre la baie de Barafundle, avec ce que ça comporte comme organisation logistique, fou rires de camping, et mises au point avec la vie.

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Le quatuor d’acteurs est génial. L’alchimie marche, et plutôt très bien, et ils sont tous touchants. L’histoire est divinement écrite, et sa fin, même quasiment écrite depuis le début est absolument poignante. Si j’avais eu à voir ce film avec un autre acteur en plus de ces trois-là, j’aurais apprécié, probablement versé une larme ou deux.

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Avec Benedict, c’est un torrent que j’ai versé. Que dis-je. Une mer. Un océan entier. J’en avais une boule coincée au travers de la gorge qui me bloquait la respiration. Et la même cinquante centimètres en dessous, qui justifiaient que mon coeur ne s’emballe chaque fois que James souffrait, ou paraissait plus malade que la seconde précédente.

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Dire qu’il joue à la perfection serait quasiement écorcher son talent. Je ne sais pas quel talent venu d’ailleurs lui a permis de donner vie à cet être complètement hors normes. Je ne sais pas comment il a pu incarner la douleur-et quand on a vraiment gouté à la douleur une fois dans sa vie, on sait que son jeu est dévorant de réalisme-aussi bien. Je ne sais pas. Ca dépasse mon entendement, ma connaissance de ce que c’est que jouer un rôle, et mon éventail de connaissances général. Je ne sais pas. Et plus encore, je ne sais pas comment il a pu se relever d’un tel personnage. Quelle addition génétique fait de ce mec un tel talent. Comment il a réussi à percer la carapace du pathétique attendu pour rendre James si vivant tout en étant en train de mourir ?

320608371_640Plus perturbant encore, et je m’entendais le dire dans la première partie du film, comment, tout en ayant la totalité des caractéristiques physiques du malade terminal, il a réussi l’incroyable tour de force de parvenir à le rendre beau chaque seconde du film.

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Ne vous méprenez pas. Je trouve Benedict magnifique, je ne vais pas dire le contraire. Mais là, même dans les pires scènes de douleur, il conservait cette aura absolument dingue. Jusqu’au bout du bout, et je ne peux pas spoilier en disant que la fin qu’on attend arrive, d’une façon ou d’une autre…Mais jusqu’au bout, il est resté beau à s’en damner.

1036441_640Mais le plus beau dans cette histoire, ça a été sa justesse épatante. Son immense sagesse, et sa sublime morale, cachée juste en surface, qui ne peut que prendre aux tripes et laisser à bout de mots. Et c’est ce qui m’est arrivé. J’en suis restée à court de mots, de souffle, totalement incapable de m’arrêter de laisser couler ce flot ininterrompu de larmes qui pouvaient tout à fait me faire du mal, mais qui, au contraire, m’ont rassurées, m’ont fait du bien. Ils m’ont tous les quatre fait du bien. James m’a fait du bien. La justesse du propos m’a soulevé le coeur, et renvoyé dans mes propres constats, mes propres peurs, mes propres situations, mes propres doutes, mais le faire de cet façon n’avait rien d’outrageux ou de difficile. C’est au contraire une pommade passée sur cette blessure qui bat en moi.

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L’autre vraie victoire de ce film divin, c’est le nombre de fous rires à la minute. Le nombre de moments de pure dérison, de prise en ridicule de nombre de situations, de vrais éclats de rire qui font un bien fou à tous les personnages, et à nous aussi. A aucun moment le tragique de la situation-mourir à 29 ans, quel superbe gâchis-n’est totalement oublié, mais il n’est jamais alourdi, lesté d’un poids qui est pratiquement le piège dans lequel tout le monde tombe toujours. Pas ici. On rit autant qu’on pleure, et au final, même la terrible fin laisse à bout de souffle, un demi sourire au travers des larmes.

Je ne peux que conseiller d’investir cette heure et demie a quiconque a juste besoin d’une remise à niveau de vie, et d’un des plus beaux moments de cinéma qu’il m’est été donné de voir.

Et puis je laisse à James le loisir de vous offrir les derniers mots du film, qui sont comme celui-ci. Poignants, justes, et aussi tragiques que pleins de vie.

“So I raise a morphine toast to you all, and, if you should happen to remember it’s the anniversary of my birth, remember that you were loved by me and that you made my life a happy one. And there’s no tragedy in that.”

(“Alors je trinque à la morphine à vous tous, et si d’aventure vous vous souvenez que c’est l’anniversaire de ma naissance, souvenez vous que je vous ai aimés, et que vous avez fait de ma vie une vie heureuse. Et il n’est de tragédie là-dedans”)

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